VERTUS
Les 4 vertus espérées d’un vote démocratique de la répartition des dépenses publiques :
Avant d’explorer en détail les vertus principales du dispositif Juste Répartition, il est nécessaire de distinguer les deux temporalités du projet.
- A court terme, Juste Répartition a une vocation pédagogique et consultative. En effet, les résultats ne sont pas représentatifs de la population générale, et il n’est donc pas possible d’en tirer des conclusions sur l’opinion française. Néanmoins, les ressources présentes sur le site et la possibilité de voter, permettent à chacun de mieux comprendre ce que sont les dépenses publiques et d’exprimer son opinion.
- A long terme, Juste Répartition pourrait devenir un outil de démocratie directe. Le vote des citoyens pourrait être encadré, puis utilisé pour déterminer la répartition des dépenses publiques. C’est dans un tel cadre institutionnel que les vertus décrites ci-dessous s’illustreraient pleinement.
1. Sensibiliser les Français au caractère précieux des ressources publiques, et par conséquent redécouvrir l’utilité fondamentale de l’impôt.
On dissocie aujourd’hui trop souvent les deux faces d’une même pièce : d’un côté les services publics reçus, qui sont souvent considérés comme dus ; de l’autre, les impôts versés pour les financer, qui sont eux considérés comme injustes. Pourtant, ce sont bien nos impôts et autres contributions obligatoires, qui nous donnent les moyens de financer nos services publics. Il ne peut y avoir l’un sans l’autre. Or, le montant de dépenses publiques s’élève à 58% de notre PIB, ce qui correspond en moyenne à 1831€1 de dépenses par personne par mois. Le graphique en page Comparaisons aide à visualiser que nous sommes depuis longtemps le pays le plus dépensier de l’Union Européenne2. Ce niveau de dépense de la part de l’État et des autres administrations publiques est une spécificité du modèle français, et c’est pour protéger ce modèle que les citoyens français paient un coût particulièrement élevé de contributions.
Ainsi, les impôts sont particulièrement importants en France et pèsent sur le pouvoir d’achat, mais avec tous les autres prélèvements obligatoires, ils constituent les liants de la société. En effet, sans eux pas de dépenses publiques, et sans dépenses publiques, plus de biens ni de services publics. Les prélèvements obligatoires contribuent au vivre ensemble. Se posent alors deux questions essentielles. D’une part celle de la répartition équitable de cette charge, afin que chacun contribue à l’effort commun à la hauteur de ses moyens. D’autre part, celle de la juste répartition des dépenses publiques entre les différents secteurs. C’est à cette seconde question que Juste Répartition a vocation à répondre, en offrant à chacun la possibilité de voter pour la répartition des dépenses qu’il estime la plus juste. Ce projet n’a pas l’ambition de répondre à la première question. D’ailleurs, quel que soit le partage des impôts entre les individus et les autres acteurs, et quel que soit le montant total des prélèvements, il sera toujours nécessaire d’en arbitrer la répartition.
Visualiser la façon dont sont répartis 1000€ de dépenses entre les secteurs permet instantanément de se rendre compte du caractère précieux de nos ressources publiques. Mais c’est lorsque la responsabilité d’allouer ces ressources nous revient, que nous prenons pleinement conscience de l’utilité fondamentale des impôts. Chaque euro semble alors indispensable.
1. Le montant estimé est exactement de 1831€ de dépenses publiques par habitant par mois en France en 2022, et il est justifié en page FAQ dans l’Excel qui détaille l’estimation pour 2022 en feuille « Répartition 1000€ ». Les données sont tirées de l’INSEE pour la population en France en 2022.
2. En prenant pour mesure le montant des dépenses publiques en % du PIB.
2. Revivifier la démocratie, en instaurant un rendez-vous annuel où les Français puissent décider de la juste répartition des dépenses publiques.
Moins d’une personne sur deux a participé aux dernières élections législatives. La crise démocratique est là. Pour retrouver un consentement à l’impôt, et plus généralement une confiance dans la démocratie, une des priorités est que l’argent versé par les citoyens aux administrations publiques soit réparti selon leurs besoins. C’est pourquoi le vote démocratique de la répartition des dépenses publiques pourrait constituer une nouvelle forme d’expression démocratique salvatrice. Il permettrait à chaque citoyen d’exprimer ses besoins et de les savoir pris en compte, quelle que soit sa contribution aux ressources publiques. Afin de respecter le principe démocratique fondamental, qui est que chaque voix doit compter autant que toutes les autres, le résultat final serait simplement la moyenne des votes des participants. L’intelligence collective est extraordinairement puissante, c’est elle qui est à l’oeuvre dans la réussite du modèle démocratique, et c’est par elle que la démocratie doit se réinventer. L’expression de toutes les opinions différentes que compte la France permettrait d’aboutir à une répartition des dépenses publiques juste et acceptée, car décidée par les citoyens eux-mêmes.
Ce vote se distingue des autres votes en vigueur dans notre démocratie par deux caractéristiques singulières ; il est à la fois concret et nuancé. Ce vote est en effet concret, car il permet aux citoyens de soutenir directement l’expansion de tel ou tel secteur dans la sphère publique, en lui accordant plus ou moins de moyens. Ce choix est aussi nuancé, car il ne met pas les citoyens face à un vote binaire, mais leur permet d’exprimer leur sensibilité sur chaque secteur, et donc d’obtenir un vote qui leur ressemble. Il y a d’ailleurs infiniment plus de combinaisons possibles que d’habitants en France !
Il ne s’agit pas de demander au peuple de légiférer sur tout, mais de le responsabiliser sur un sujet qui a été gagné par la démagogie. En effet, certains promettent des hausses de dépenses extravagantes dans des secteurs dont les citoyens peuvent voir concrètement et rapidement l’effet sur leur pouvoir d’achat, sans dire que ces dépenses se font au détriment d’autres secteurs essentiels pour la nation. Or, les dépenses qui sont faites dans un secteur sacrifient silencieusement les dépenses qui auraient pu être faites dans un autre. La question est donc de savoir quel secteur a le plus besoin de moyens supplémentaires. Mais il est impossible d’y répondre sans être conscient de la disparité des moyens alloués aux différents secteurs. C’est donc en donnant accès à plus de connaissance et à plus de responsabilité qu’il est possible de briser ce cercle vicieux de la démagogie. Les citoyens ne font jamais des choix aussi responsables que lorsqu’ils sont responsabilisés. Confier le choix de la répartition des dépenses publiques aux Français, les pousserait à mieux s’informer et à prendre conscience de l’utilisation actuelle qui est faite de leur argent. Les contraintes incarnées par l’enveloppe fixe de 1000€ et les bornes de votes obligent chacun à faire des choix, des sacrifices, et ainsi à mieux appréhender les dilemmes auxquels les hommes politiques font face. Les citoyens en sortiraient plus éclairés, plus conscients des réformes à mener, et sans doute moins sensibles aux tentatives démagogiques.
3. Concilier agilité dans un monde en crise et vision de long terme, grâce à un vote impactant la répartition des dépenses des quatre prochaines années.
Il y a deux impératifs à prendre en compte dans l’application d’un tel dispositif. D’une part, il faut permettre aux citoyens de s’exprimer sur leurs urgences, afin que la répartition des dépenses publiques reflète le plus vite possible les besoins du pays dans un monde en crise. D’autre part, il faut que le pays se dote d’une vision stratégique de long terme, qui permette de n’être pas seulement dans la réaction face aux nouveaux enjeux, mais aussi dans l’anticipation et l’adaptation. Mais comment les administrations pourraient anticiper, mener des réformes structurelles ou des projets d’investissement, si elles sont chaque année dépendantes du vote, légitime mais volatile, des citoyens ? Face à ces deux impératifs contradictoires, il faut trouver une voie médiane.
Celle proposée par Juste Répartition est la suivante : voter chaque année la répartition des dépenses publiques, et que ce vote soit pris en compte lors des quatre prochaines années. Ce qui revient à dire que chaque année, la répartition des dépenses publiques serait calculée en faisant la moyenne des votes des quatre années précédentes. De cette façon-là, il serait chaque année possible d’impacter les dépenses de l’année suivante, et donc de répondre aux urgences exprimées par les Français ; mais les administrations publiques auraient aussi une première idée de leur budget plus de quatre ans avant la mise en oeuvre de celui-ci, et verraient cette estimation s’affiner avec le temps. Elles pourraient enfin mener sereinement les réformes structurelles et les investissements de long terme nécessaires. Ce choix de quatre ans est arbitraire et pourrait bien sûr être modifié. Cependant, moins de trois ans empêcherait toute vision de long terme, et plus de cinq ans pourrait être handicapant à la fois dans l’attractivité d’un tel vote auprès des citoyens, et dans l’agilité nécessaire pour faire face à un monde instable où les changements sont permanents.
Pour autant, avoir un vote impactant les quatre prochaines années relève au mieux du moyen terme, mais n’est pas suffisant si l’on veut mettre au coeur du choix des Français les questions de long terme. À titre de comparaison, l’Inspection Générale des Finances a étudié en 2021 l’horizon maximum de projection des finances publiques de 8 autres pays3, et la France s’est classée derrière chacun d’eux, avec un maximum de 5 ans, contre 75 ans pour le Canada. En parallèle de ce vote, il est donc nécessaire que le gouvernement accompagne la réflexion de long terme des citoyens, et qu’il établisse des feuilles de route prospectives sur les conséquences de l’augmentation ou de la baisse de chaque secteur à 5, 10 et 20 ans. Ces feuilles de route auraient notamment pour rôle d’identifier les dépenses qui préparent l’avenir. Ce serait ensuite aux citoyens de prendre ceci en compte dans leur répartition, et aux administrations de protéger autant que possible ces dépenses.
3. Le rapport qui mentionne ces éléments date de Mars 2021 et s’intitule « Nos finances publiques post-Covid-19 : pour de nouvelles règles du jeu ». Les détails sur l’horizon de projection des finances publiques sont à retrouver dans la pièce jointe n° 2, « Comparaisons internationales des normes de pilotage et des institutions budgétaires ». Cliquez-ici pour retrouver ces documents.
4. Remettre au centre du débat la question de la soutenabilité des dettes financière et climatique, dont nous les jeunes, allons hériter.
Cela fait 48 années consécutives que la France connaît des déficits, nous avons donc chaque année augmenté le montant brut de notre dette publique, qui a atteint 112,9% du PIB en 2021. Sur les 1831€ de dépenses publiques par habitant par mois en 2022 évoqués plus haut, 154€ ne sont pas financés par les recettes publiques et sont donc du déficit public ; ce qui revient à dire que la dette publique augmente de plus de 150€ par habitant par mois en 2022. Alors évidemment, les crises successives auxquelles a été confrontée la France ces dernières années nécessitaient de s’endetter pour protéger le tissu économique et social du pays. Néanmoins, cette situation fait planner deux menaces sur la jeunesse. D’une part, celle de manquer de ressources financières pour faire face aux crises à venir, dû au gaspillage d’une trop grande partie de celles-ci pour rembourser la dette. En effet, les dépenses de remboursement des intérêts de la dette (charge de la dette), se font au sacrifice des moyens accordés aux autres secteurs4. D’autre part, la menace, sans doute plus lointaine mais aussi plus effrayante, de la perte de souveraineté du pays en cas d’impossibilité à rembourser ce qui est dû. Nous ne serions alors plus maîtres de notre destin national. Au regard de ces menaces, il faudrait associer des règles strictes de gestion des finances publique à un potentiel vote démocratique des dépenses, pour que ce système ne conduise pas à alourdir encore la dette financière qui va peser sur la jeunesse.
Pour autant, face à la crise climatique plus grave encore, nous ne pouvons pas subitement baisser les dépenses publiques. En effet, si nous ne voulons pas voir nos ressources s’épuiser, et notre environnement se détériorer dans des proportions jamais vues, nous devons investir massivement dans la transition écologique. À ce titre, les feuilles de route prospectives5 ont un rôle déterminant à jouer. Ce sont elles qui permettront aux citoyens d’être conscients que la lutte contre la crise climatique nécessite des investissements historiques. En l’occurrence, le travail a déjà été fait par le GIEC, et il a permis d’alerter un nombre croissant de Français sur les enjeux de moyen et long terme qu’impliquent le réchauffement climatique. Le constat est clair, nous, les jeunes, allons subir les conséquences de décennies d’insouciance en matière d’utilisation des ressources planétaires. Il ne s’agit pas de chercher un coupable, ni de tomber dans l’idéologie, mais de s’accorder sur la nécessité d’alléger la dette climatique que nous allons porter ; pour cela il faudra réaliser des investissements stratégiques dans l’ensemble des secteurs, car tous ont à s’adapter.
Ce projet doit permettre de remettre au centre du débat la question de la soutenabilité de ces deux dettes dont nous hériterons. Nous devons chercher à tout prix une solution pérenne à ces impératifs, et ne pas sacrifier l’une de ces dettes pour éponger l’autre. Pour mener ces deux combats de front, il faudra financer les dépenses publiques dans la transition écologique en sacrifiant d’autres dépenses. Un vote démocratique direct des dépenses publiques donnerait justement les moyens aux citoyens de légitimer démocratiquement la décision politique difficile de sacrifier les dépenses de certains secteurs pour en soutenir d’autres. En outre, cette initiative permettrait de rendre plus acceptable la diminution de certaines dépenses, grâce à la prise de conscience du poids que représente la charge de la dette, et grâce à la répartition plus optimale des dépenses publiques qu’elle engendrerait.
4. La dette supplémentaire que nous avons contracté lors des 10 dernières années (qui équivaut au déficit public sur la période) est inférieure au montant des intérêts que nous avons remboursé sur cette même période ; ce qui veut dire que si les générations précédentes ne nous avaient pas légué de dette, nous n’aurions pas eu à nous endetter lors des 10 dernières années, car nous aurions été en excédent budgétaire.
5. Ces feuilles de route sont mentionnées précédemment, dans le développement de la troisième vertu.